Face à la montée du protectionnisme mondial, les entreprises suisses envisagent de plus en plus de délocaliser leurs activités, un phénomène qui pourrait affaiblir considérablement la croissance économique du pays à long terme. C’est ce que révèle une étude récente menée par UBS auprès de 800 entreprises helvétiques.
Un intérêt croissant pour l’implantation à l’étranger
Selon cette enquête réalisée en mars dernier, la moitié des entreprises suisses dont les exportations représentent plus de 10% du chiffre d’affaires recherchent activement de nouveaux débouchés commerciaux.
Parmi elles, un tiers envisage sérieusement de s’implanter directement sur les marchés où leurs produits sont vendus.
Cette tendance est particulièrement marquée pour les entreprises orientées vers le marché américain, dont 50% considèrent comme « probable » une installation aux États-Unis. En comparaison, seules 30% des entreprises ciblant l’Europe prévoient de s’y implanter.
L’étude souligne également une disparité significative entre les grandes entreprises et les PME : 40% des grandes entreprises prévoient de s’installer sur leurs marchés cibles, contre seulement 25% des PME. Cette différence s’explique principalement par le manque de ressources des petites structures pour établir des sites de production à l’étranger.
Un contexte de tensions commerciales accrues
Cette étude a été réalisée juste avant l’annonce par la Maison-Blanche de l’instauration de droits de douane « réciproques ».
Bien que le montant exact de ces droits n’était pas encore connu lors de l’enquête, les menaces protectionnistes évoquées par Donald Trump avaient déjà commencé à inquiéter les entreprises suisses.
Comme le rappelle l’étude d’UBS, « l’économie suisse, avec son petit marché intérieur et ses faibles ressources en matières premières, est tributaire du libre-échange ». La perspective de nouvelles barrières commerciales représente donc un défi majeur pour ce modèle économique.
Des géants pharmaceutiques précurseurs
Depuis la publication de cette étude, deux des plus grands groupes pharmaceutiques suisses ont déjà pris les devants. Bien que leurs produits n’aient pas été directement visés par les annonces américaines d’avril, Novartis et Roche ont annoncé des investissements massifs aux États-Unis.
Novartis a ainsi augmenté son enveloppe d’investissements de 23 milliards de dollars sur cinq ans, tandis que Roche a annoncé un investissement de 50 milliards de dollars sur la même période.
Ces mouvements stratégiques illustrent la volonté des grandes entreprises suisses de sécuriser leur accès au marché américain en y renforçant leur présence physique.
Des conséquences potentiellement graves pour l’économie suisse
Maxime Botteron, économiste au sein de la branche de gestion de fortune d’UBS, a lancé un avertissement clair lors d’une visioconférence : si les entreprises helvétiques continuent de renforcer leurs capacités de production à l’étranger, cela « peut à terme avoir un impact sur le potentiel de croissance de l’économie suisse ».
Cette tendance à la délocalisation ne constitue pas seulement une perte directe d’emplois et d’activité économique, mais elle réduit également les investissements domestiques et limite le développement technologique local, compromettant ainsi la compétitivité future du pays.
Des prévisions de croissance déjà revues à la baisse
Les effets du ralentissement économique mondial et des nouvelles tensions commerciales se font déjà sentir dans les prévisions économiques. Les économistes d’UBS ont revu à la baisse leurs estimations de croissance pour la Suisse en 2025.
Ils anticipent désormais une progression du produit intérieur brut (corrigé des événements sportifs) de seulement 1%, contre 1,5% prévus avant les annonces protectionnistes d’avril.
Cette révision témoigne de l’impact immédiat des tensions commerciales sur les perspectives économiques du pays.
Un défi structurel pour l’avenir
Cette situation met en lumière la vulnérabilité particulière de l’économie suisse face aux tendances protectionnistes mondiales.
Fortement dépendante des exportations et du libre-échange, la Suisse se trouve confrontée à un dilemme stratégique : comment maintenir sa compétitivité internationale tout en préservant son tissu industriel et son potentiel de croissance domestique?
La montée des barrières commerciales pourrait ainsi catalyser une transformation profonde du modèle économique suisse, dont les conséquences à long terme restent encore difficiles à évaluer pleinement. Ce qui est certain, c’est que les choix stratégiques des entreprises helvétiques dans les prochaines années façonneront durablement l’avenir économique du pays.